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À écouter // La Bouche ouverte de l'atome // L'histoire de la Galette des rois

« Quand nous avons de grands trésors sous les yeux, nous ne nous en apercevons jamais. Et sais-tu pourquoi ? Parce que les hommes ne croient plus aux trésors. » L'Alchimiste, Paolo Coelho

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n soleil est posé sur la table, tu vas te cacher dessous. - Pour qui ? Demande la voix. Qui va manger ? Qui sera roi ? Le hasard met son grand manteau, un ange te souffle à l'oreille le nom de ceux qui t'entourent... Aveugle, c'est à toi que revient le divin partage.

Un trésor est là, chaque année, sous nos yeux. Nous ne le voyons pas. « Quand les mystères sont malins, ils se cachent dans la lumière » D'ailleurs, dans son berceau de paille chaude, c'est bien là qu'ils l'ont trouvé, l'emmailloté, qui dormait dessous son étoile...

Tu croyais connaître l'infiniment lointaine et pourtant véritable histoire de la galette ? Tu te trompes. A l'origine, Balthazar, Gaspard et Melchior n'y sont pour rien dans notre orgie annuelle de frangipane beurrée. Elle est toute pleine de secrets, elle renferme tout l'univers et la parole à l'état pur. C'est de la pâtisserie alchimique qui va te graisser les doigts ! Ce livre croustillant, il faut le feuilleter comme il faut. Dégrossissons un peu l'affaire et dépoussiérons ta mémoire. Car le rituel est plus ancien. Celui de la fève tout d'abord, comme la plupart de nos trésors, est né sous les pyramides...

La fève, ce petit légume à figure d'embryon, était pour les Égyptiens la première à pousser hors de terre son or végétal. En elle, le patrimoine des semis passés et la promesse aussi des récoltes à venir. La plante, donc, était sacrée. Sous ses racines, voilà qu'on enterre les morts. Les âmes des trépassés, en quête de matière pour s'accrocher encore, y trouvent une belle échelle où la vie recommence. Dans leur cosse, les défunts attendent l'heure de la résurrection. Ne vas pas croire que je plaisante ! Jusqu'en Grèce, figures-toi, on prend cela au sérieux. Pythagore en est mort, dit-on, au beau milieu d'une bataille. L'assaillant à ses trousses, il préféra le coups des flèches au piétinement fugitif d'un champs de fèves à traverser.

Début janvier donc, en Égypte, on célèbre la renaissance d'Amon-Rê -le Soleil caché- le dieu le plus puissant de tous. Le solstice d'hiver trépassé, il peut entrer dans la gloire et voir se rallonger ses jours. Alors fêtons la lumière ! Puisque voilà qu'elle renaît et qu'elle se manifeste après sa nuit la plus longue ! En grec, l'apparition, la manifestation, c'est l'Epiphaneia : l'Epiphanie. Parce que les Grecs désormais, les Hébreux, les Romains, ont droit aussi à leur banquet (sept jours pour les Saturnales), et la fève dans un gâteau rond désigne le roi des agapes ! Comment dire mieux que l'invisible à sa part dans la vie des hommes et que c'est au cœur du fruit que dort l'esprit qui toujours les gouverne ? Au cœur de ton soleil, se cache un autre soleil.

S'il te plaît, ne crois pas que cette histoire est détachée de toi. Car cette histoire, c'est la tienne. Et cette galette, c'est toi. Tu ne me crois pas ? Rapproches-toi encore.

La fève dans le poing serrée, ou même jetée sur la natte, délivrait aux devins, aux sorciers et aux prêtres, mille messages de l'au-delà, de l'à-côté, de ton ailleurs imperceptible. L'avenir, les astres, la vie des champs, même les battements de ton cœur n'avaient pas de secret pour elle. Les esprits avaient la parole puisque la fève était bavarde ! (Sans doute le serait-elle encore, si nous savions l'écouter) Fève vient du latin Faba, le récit, la fable quoi ! Ou de Faber : la forge. Les spécialistes hésitent encore mais nous, nous garderons les deux. Les neurosciences s'en sont mêlées et l'ont sait bien désormais -comme autrefois, sans doute- que, bien avant la naissance, c'est par la parole que se forge la pâte humaine, aussi feuilletée qu'elle soit. Mieux, de la forge ou de la fable, c'est à coup de mots bien frappés que se façonnent les esprits. De toute façon, « Dieu dit », et de son Verbe en fusion, tout se crée.

« Regarde comment sont menées depuis Noël douze journées, car suivant ces douze jours, les douze mois auront leur cours. » Proverbe

Revenons quelques nuits en arrière. Bien avant la naissance de Jésus, les Égyptiens fêtent Osiris, puis c'est le perse Mithra qui naît le 23 décembre. Au IVe siècle, les chrétiens voulant s'asseoir sur son culte, imposent Noël le 25. Après douze journées, on voit arriver du désert trois mages qui ne sont pas encore rois : voilà Mithra éclipsé.

Dans les évangiles, seul Mathieu parle des trois voyageurs. La couronne tombe sur leur turban au XIe siècle de notre ère. En fait de mages, venus d'Orient, il s'agit plutôt d'astrologues, voire d'astronomes (distinction vaine, à l'époque les savoirs étaient liés comme la farine au levain) Ils pratiquent le culte solaire, le chamanisme et la divination, ils savent contempler le haut pour mieux comprendre le bas. Ainsi trouvent-ils leur chemin... Levons les yeux à leur manière : dans le ciel de la Nativité, brille la constellation de la Vierge où veille le Bouvier (Berger pour les sumériens). Le signe voisin est celui du Lion, l'emblème forte de la tribu des Juda dont Jésus est issu par son père. Dans le Cancer brille la constellation des Ânes (Phatnè pour les grecs, la Crèche). Voilà. La scène originelle cachait une carte du ciel ! Sorte d'horloge astronomique pour mieux mesurer le temps. Quand Marie, Joseph, le bœuf et l’âne, la crèche et les bergers trônent au-dessus de ta tête, les cycles de l'année recommencent : prépares-toi ! Un Soleil neuf tombe sur toi.

Au fil des âges chacun a retouché l'enluminure. Au XIVe siècle, des moines de Besançon remplacent la fève par une pièce d'or et le pain dur par la brioche pour désigner leur supérieur. La porcelaine arrive après, et la couronne, et puis le verre de vin frais.

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'histoire pourrait s'arrêter là. Mais nous serions encore bien loin du trésor plus haut annoncé. Ta galette tient son nom du galet, ce caillou façonné par la vague. Le caillou, c'est aussi ta cabosse, ta tête. Faire cuire une galette, c'est la transformer par le rayonnement du feu. Ton feu sacré murmurerait l'alchimiste. C'est là que s'ouvre le mystère. Au centre de ta tête, de ta galette -de ton cerveau je veux dire- sais-tu qu'une fève est cachée pour l’Épi-phanie de ton être ? Ce "troisième œil" ou l’œil d'Horus, est une antenne spirituelle, dit-on, l'endroit où Dieu s'éclaire, le siège de ton âme, le trône de ton roi, l'ancre des auréoles. Ta fève à toi, en somme. Un vrai labyrinthe pour rendre cet endroit vivant ! Chez la plupart d'entre nous, c'est une glande entartrée, oubliée, un petit morceau calcifié visible sur une IRM. On l'appelle l'Épi-physe. Elle sécrète de la mélatonine : l'hormone du sommeil. Il faut la garder en éveil ! Grâce à quoi ? A la sérotonine ! Comment s'y prendre ? Mange des noix, une poignée d'amandes suffira... Non. Assieds-toi. Oublie ce que je dis. C'est du savoir inutile. Ferme les yeux. Un ange veille sur toi. Il n'a soucie que de toi. Ses architectes-pâtissiers, de siècles en siècles, ont dissimulé ce secret. Des amandes, ils en ont glissé plein ta frangipane ! Tu vois, on te fait du bien sans te dire. Ne le répète pas. Tu briserais le charme. Dans ton assiette est un trésor, goûte le bien. C'est du soleil en bouche. Les dieux de la grande Égypte s'y cachent, des prêtres et des oracles, des défunts dans leur fève et des mages, des astres échevelés, une crèche, un Jésus dans sa paille fraîche, des moines dans leur abbaye, toute la science et ses mystères, de l'huile pour ton laboratoire spirituel et même, regarde bien, l'ami qui, autour de la table, te tend la main et te ressert.

Certains la trouve un peu lourde, cette galette. Tu m'étonnes ! Tu n'es pas obligé de me croire. Sinon, juste un instant, quand viendra la première bouchée, rappelles-toi : regarde et sens. Regarde ce joli dessin strié sur la croûte. Ce sont peut-être quelques dorures végétales ou un joli filet de pêche... Rappelles-toi qu'au dessus de ta tête, les astres aussi ont tendu leur filet te prenant dans leur influence : ici se joue ton destin. Regarde et sens, dessous tes pieds, cette vie qui pousse comme un brin d'herbe avec la lumière qui revient. Elle finira, avec le temps, sans doute par porter ses fruits ! Mais refermons le livre, j'ai faim. Et toi aussi sûrement. Bon appétit ! Bon début d'an !

POB - 01/2014

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